Contexte et objectif du projet

Les forêts couvrent 30% du territoire de la Région Grand-Est, sont pourvoyeuses d’emplois (près de 11 000 entreprises pour 55 000 emplois selon FIBOIS Grand Est), de cohésion des territoires et permettent l’existence d’une filière industrielle locale. En parallèle, les forêts sont source de multiples services écosystémiques (SE) qui bénéficient à la société dans son ensemble, et hébergent une biodiversité importante, qui ne sont pas pour autant toujours pris en compte de manière explicite dans la gestion, en raison notamment d’une absence de valorisation économique.

De son côté, la Région Grand Est affiche sa mobilisation pour la transition écologique et énergétique dans son “Grand Est Business Act”, et en particulier vis à vis des espaces boisés dans son Plan Régional Forêt Bois (PRFB), son Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE), son Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET), son Schéma Régional Biomasse, son Schéma Régional de Développement Economique, d'Innovation et d'Internationalisation (SRDEII), témoins et précurseurs d’une ambition régionale renforcée sur les enjeux forestiers.

Notre projet PERCEVAL se concentre sur la préservation d'une ressource forestière en péril due au réchauffement climatique ainsi qu'aux risques associés tels que la sécheresse, les maladies et les ravageurs des arbres. Il aborde à la fois la question du matériau bois et les répercussions graves sur la biodiversité et les services écosystémiques forestiers (SEF). Face à ces enjeux et aux fortes attentes de la société en faveur de pratiques de gestion plus durables et de la préservation des écosystèmes forestiers, notre projet a pour objectifs : (i) d'étudier les préférences des acteurs locaux en termes d'attitudes et de motivations environnementales envers les SEF et les outils de régulation de leur offre, (ii) d'évaluer l'offre potentielle de ces services sur le territoire ainsi que les coûts de production associés, grâce à une analyse quantitative et spatialisée, et (iii) de concevoir de nouveaux modèles économiques novateurs, comme l'établissement d'un marché pour des services environnementaux non marchands, dans le but d'augmenter leur disponibilité et leur qualité tout en intégrant les incertitudes et les risques liés au climat.

L'objectif ultime de ce projet est de mettre en place un système de valorisation des SEF, incluant une plateforme d'échange sur les territoires de la Région Grand Est, avec une perspective de généralisation à d'autres grandes régions forestières françaises. Ce système vise à offrir de nouvelles opportunités de revenus ainsi que des avantages environnementaux et sociaux aux acteurs locaux, aux utilisateurs et aux non-utilisateurs des espaces forestiers.

Description du projet

Les enjeux

Le réchauffement climatique ainsi que la dégradation de la biodiversité et des SE exigent des changements majeurs dans la façon dont sont exploités et gérés les écosystèmes forestiers. En raison notamment des objectifs politiques en lien avec la transition énergétique, mais également d’une attention sociétale accrue, il existe une demande croissante de biomasse forestière pour les produits bois et les énergies renouvelables. Les forêts sont aussi devenues ces dernières années un lieu de naturalité important à protéger aux yeux du grand public. De manière plus générale, la gestion forestière en France suit des impératifs de durabilité et de multifonctionnalité, et les orientations stratégiques appellent explicitement à trouver un équilibre entre objectifs économiques, sociaux et environnementaux, tout en prenant en compte les nécessaires objectifs d’atténuation et d’adaptation climatiques. Du côté des propriétaires forestiers, les ressources naturelles (bois, mais aussi certains produits forestiers non ligneux) sont valorisées sur des marchés existants, mais les actions en faveur de la biodiversité forestière et les services écosystémiques forestiers (SEF) à visée environnementale ou récréative ne s’échangent pas sur des marchés réels. En l’absence de prix, les propriétaires forestiers ne considèrent pas ces SEF non marchands de la même façon que le bois et les autre produits marchands dont ils peuvent tirer un revenu.

Pour atteindre ses objectifs scientifiques, technologiques, et opérationnels, le projet se décompose en trois volets de recherche (VR) et trois volets valorisation (VV) qui interagissent fortement entre eux :

VR1 - Attitudes et préférences des acteurs

L'objectif du VR1 est d’étudier les motivations, les attitudes, ainsi que les préférences des propriétaires forestiers et de la population en général (usagers et non-usagers de la forêt) concernant à la fourniture de SEF et la mise en place de marchés de SEF, ainsi que de paiements pour services environnementaux (PSE). À cette fin, un modèle cognitif hiérarchique sera élaboré pour appréhender les attitudes et les comportements envers la gestion des forêts en vue de fournir des SEF, puis sera expérimenté. Les analyses empiriques seront basées sur des données d’enquêtes et d'expérimentations par les choix (choice experiment).

VR2 - Évaluation du potentiel d’offre

Le VR2 vise à réaliser deux objectifs principaux. D'une part, il s'agit de procéder à une évaluation quantitative du potentiel d'offre en SEF, incluant le bois et la préservation de la biodiversité. Cette évaluation se fera à l'aide d'indicateurs biophysiques et/ou économiques. Pour ce faire, une variété de données spatiales et d'enquêtes, collectées à l'échelle des paysages ainsi qu'au niveau des propriétés forestières, permettront de créer des cartographies des SEF et de conduire une analyse statistique des interactions entre le bois, les autres types de SEF et la biodiversité. D'autre part, les données économiques recueillies dans le cadre du VR3 auprès des propriétaires forestiers seront utilisées pour estimer les fonctions de coût liées à la fourniture des SEF. Ces données permettront également d'évaluer les coûts d'opportunité associés à la mise à disposition de certains SEF.

VR3 - Conception, gestion et alimentation des bases de données

Le VR3 a pour vocation de centraliser la conception et la réalisation des collectes de données et enquêtes menées dans les VR1 et VR2. L'Observatoire pour l'Économie de la Forêt (OLEF), une plateforme du BETA, s'engage à mettre en place un système de bases de données cohérent, en accord avec un plan de gestion visant à faciliter l'approvisionnement et la gestion de ces données tout au long de la durée du projet. En fin de projet, ce système assurera également la pérennité des données grâce à leur archivage et à leur actualisation, garantissant ainsi leur disponibilité future.

VV1 - Co-construction et animation d’un réseau d’acteurs locaux autour de la mise en place d’une plateforme d’échange de SEF

L'objectif du VV1 est de mettre en relation les acteurs locaux (acteurs forestiers producteurs, acteurs de la société acheteurs, organismes intermédiaires) susceptibles de participer au fonctionnement d’un marché de SEF sur les territoires de DHDA et du PNRBV. L'objectif est d'instaurer une collaboration entre ces acteurs et les chercheurs pour élaborer et mettre en œuvre une plateforme d'échange de SEF. Ce réseau favorisera la mobilisation des acteurs socio-économiques du territoire qui pourront également être associés aux VR du projet : recrutement de participants aux différentes études, et co-conception et validation des outils en fonction des besoins et possibilités réelles de ces acteurs.

VV2 - Communication, valorisation et médiation scientifique et partenariale

La stratégie de communication et de valorisation scientifique et partenariale se déploiera avec pour objectif de : (i) faire connaître les valeurs, les équipes internes et externes, les objectifs du projet (à travers un plan de communication, un site web, des newsletters, et les réseaux sociaux) ; (ii) recruter des acteurs locaux pour participer au réseau du VV1 ; (iii) consolider la communication sur la durée du projet (en mettant à jour des contenus de valorisation scientifique tels que les photos, les textes, les cartes, les graphiques, etc.) ; (iv) faire connaître les avancées scientifiques de façon continue tout au long du projet (via des capsules vidéo, en encourageant les acteurs de terrain à participer aux enregistrements, des entretiens, etc.) ; (v) pérenniser l’efficience des actions menées et des résultats scientifiques en mettant en place un programme de sensibilisation auprès de la société civile.

VV3 - Gestion et coordination du projet

Le VV3 a pour triple objectif de : i) piloter le projet et faire face à toutes les situations inattendues, qu'elles soient scientifiques, technologiques, sociétales ou politiques ; ii) suivre le projet afin qu'il progresse conformément au plan de travail ; iii) coordonner le consortium en termes de communication et de distribution financière, et faire rapport aux financeurs.

Schéma organisationnel

Le schéma organisationnel ci-dessous les relations évoquées dans la description des volets de recherche et de valorisation ci-dessus.

Quelles contributions aux transitions dans les territoires ?

PERCEVAL joue un rôle essentiel dans la promotion de la transition écologique des territoires vers des modèles de production durables en forêt. Dès le commencement du programme, PERCEVAL engage une collaboration étroite avec les différentes parties prenantes : les forestiers, les usagers des espaces forestiers et de leurs SEF, ainsi que les non-usagers des forêts (ceux qui attribuent aux forêts des valeurs immatérielles d'existence et de patrimoine destinées aux générations futures). De plus, il sollicite les contributeurs financiers de ces SEF, notamment les participants volontaires à la compensation environnementale, les initiatives de Responsabilité Sociale des Entreprises, les mécènes et autres soutiens financiers.

L'objectif principal est de dresser un état des lieux de leurs attentes et de leurs perceptions quant à la gestion des forêts et des SEF qui y sont associés, ainsi qu’envers les outils de régulation pour favoriser leur fourniture. De plus, PERCEVAL entreprend la création d'une plateforme d'échange pour les services environnementaux et sociaux dans la forêt, en utilisant des outils numériques et en favorisant la coordination entre les différents acteurs. Ainsi, dès le début du programme, PERCEVAL encourage la discussion et l'appropriation des expérimentations relatives aux valeurs attribuées aux forêts, ainsi qu'aux motivations des acteurs impliqués.

Tout au long du projet, cette démarche favorise la diffusion et la prise en compte des résultats issus des recherches, soutenant ainsi les dynamiques de transition. Les utilisateurs de la plateforme d'échanges sont activement associés dès le lancement du processus de recherche, participant dès les premières étapes à l'analyse de leurs besoins, comparativement au potentiel offert par les ressources forestières. De ce fait, ils contribuent activement à la construction des hypothèses et à l'orientation de la démarche de recherche.

Par ailleurs, la mise en place de la plateforme d’échanges des SEF, en proposant des modèles économiques innovants, vise à générer de nouvelles richesses sur les territoires. Cela inclut des bénéfices (non marchands) sociaux et environnementaux pour les usagers de la forêt (dont les activités récréatives) et les non-usagers en termes d’autres SEF (régulation du climat, régulation de la qualité de l’eau) et de biodiversité, mais aussi de nouveaux revenus pour les propriétaires forestiers qui

Cette plateforme mettra en place un modèle d'organisation et de coordination pour rassembler des acteurs locaux variés et diversifiés tels que de petits propriétaires forestiers privés, des collectivités forestières, des entreprises, des associations d'usagers et même des particuliers. Elle utilisera des innovations technologiques basées sur la co-construction et les informations recueillies concernant les préférences en matière de SEF, leur fourniture et les différentes méthodes de commercialisation. Cette mise en relation des acteurs au travers de la plateforme d'échanges favorisera une transition douce des dynamiques territoriales en vue de préserver les multiples fonctions des écosystèmes forestiers.

L'animation de la plateforme et les valeurs qui en découleront engendreront des changements de paradigmes dans les attentes et les pratiques liées à la gestion des forêts. Elles remettront en question les modèles de gouvernance forestière en intégrant de nouveaux acteurs et en répondant aux besoins des populations locales, tout en préservant l'activité économique de l'ensemble de la filière bois. Ces évolutions, mises en œuvre grâce à des approches participatives de type "living lab" menées par les acteurs locaux et accompagnées par les acteurs de l'animation territoriale, s'appuient sur les sciences économiques et sociales mobilisées dans le cadre du projet. L'objectif est de maximiser le bien-être de la société en encourageant une reconnaissance mutuelle entre tous les acteurs locaux, facilitant ainsi des échanges harmonieux et renforçant l'intérêt collectif de nos forêts et des initiatives qui y sont entreprises.