Région | Grand Est |
Référents du projet | Référents recherche : Pierre Guillemin (UR ASTER) et Catherine Mignolet (UR ASTER) Référent acteur : Fabrice Colson (DRAAF Grand Est, Service Régional de l’Alimentation) |
Unités | LOTERR (Université de Lorraine) InSyTE (Université Technologique de Troyes) GESTE (INRAE) LEDR (Université de Liège) CRD-ENSAIA (Université de Lorraine) IHIST (Université du Luxembourg) |
Partenaires | DRAAF – Réseau PARTAAGE, Bio en Grand Est, Chambre Régionale d’Agriculture Grand Est, porteurs de Projets Alimentaires Territoriaux (France) et de Conseils de Politiques Alimentaires (Belgique et Luxembourg) |
Contexte et objectif du projet
Dans un contexte agricole dominé par la spécialisation des productions inscrites dans des filières longues, la Région Grand Est a vu l’émergence ces dernières années d’une trentaine de Projets Alimentaires Territoriaux (PAT), pour partie liée au Plan de Relance. Si le développement de l’agroécologie et des circuits courts de proximité présente des marges de progression, la mise en œuvre de ces projets pose plus globalement la question des différentes formes de transitions agri-alimentaires propices à la relocalisation et à la reconnexion au sein de systèmes agri-alimentaires territorialisés. Ces questions se posent de manière similaire dans les pays frontaliers constitutifs de la Grande Région, notamment la Belgique (Wallonie) et le Luxembourg, qui déploient de leur côté des Conseils de Politique Alimentaire (CPA). TRANSAAT propose d’appréhender l’agriculture et l’alimentation comme un nouvel objet du répertoire d’action de la coopération transfrontalière, mise en avant par la Région Grand Est, autour de l’émergence et de l’animation de systèmes agri-alimentaires transfrontaliers ou jumelés.
Positionné d’une part aux échelles régionales du Grand Est et de la Grande Région, et d’autre part à l’échelle de 10 études de cas adossées à des PAT et CPA, les objectifs scientifiques de TRANSAAT s’inscrivent à l’interface de problématiques relatives (i) à la coexistence des modèles productifs plus ou moins agroécologiques et/ou territorialisés, objectivés par la construction de typologies, afin d’identifier des contextes propices à différents chemins de transitions, (ii) à la modélisation des flux agri-alimentaires via des méthodes (proto)métaboliques permettant d’animer la recherche d’ancrage spatial aux échelles locales et régionales et (iii) aux modalités et échelles de la coopération territoriale pour éclairer les leviers d’une meilleure convergence entre stratégies agri-alimentaires, planification territoriale et gestion intégrée des ressources en eau, et en accompagner les transitions, en partenariat avec les porteurs de PAT et CPA (dont certains se positionneraient à l’échelle transfrontalière ou de jumelages).
Le projet ambitionne donc de produire des résultats éclairant les dynamiques de transitions agri-alimentaires, en documentant notamment celles qui émergent dans les PAT/CPA. Il vise aussi à produire des ressources et outils favorisant une plus grande mobilisation des agriculteurs et des opérateurs de filières d’une part, et de la société civile d’autre part, dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques agricoles et alimentaires locales.
Description du projet
Les enjeux
La co-construction chercheurs – acteurs de TRANSAAT a abouti à questionner les effets locaux des PAT/CPA en matière de changements de pratiques effectifs aux niveaux agricole et alimentaire. Ce questionnement général correspond au besoin de documenter l’impact des démarches de projet (projet-processus) qui ont connu un boom sous l’effet d’aubaine lié au Plan de Relance. Mais que produisent ces projets-processus, c’est-à-dire les modalités de gouvernance et l’organisation des acteurs au sein des PAT/CPA, en termes de projets-objets, c’est-à-dire de matérialisation concrète ? Les objets sur lesquels débouchent les PAT/CPA diffèrent-ils selon les appropriations localisées de ces dispositifs d’action publique et les contextes territoriaux préexistants ? Dans la diversité de ses formats (jumelages de communes, espaces frontaliers intégrés tels que la Grande Région…), la coopération transfrontalière ou transnationale constitue-t-elle un cadre favorable à la territorialisation des systèmes agri-alimentaires ? En contexte transfrontalier ou non, le développement de la demande en produits locaux et la structuration marchande et logistique des circuits associés dépassent le plus souvent les limites administratives et peuvent être en décalage avec la construction du « local » telle qu’elle est réalisée dans les PAT/CPA. Un enjeu de TRANSAAT est celui d’une construction politique innovante du local, en phase avec la matérialité des circuits courts de proximité ou de longue distance, qu’ils soient infranationaux ou internationaux.
Volets de recherche
TRANSAAT est organisé en trois volets de recherche. Le VR1 a pour objectif de mettre au jour et d’analyser la coexistence des transitions agri-alimentaires au sein du Grand Est et de la Grande Région transfrontalière. Il est décliné en trois tâches qui visent tout d’abord à caractériser, sous forme de typologies, la diversité des exploitations agricoles engagées dans des transitions étroitement liées aux systèmes alimentaires, en les replaçant dans la diversité de l’ensemble des exploitations agricoles des deux régions ; puis à analyser les combinaisons spatiales des types d’exploitation en transition et leurs trajectoires de transition à différents grains spatiaux ; et enfin à les mettre en relation avec d’autres composantes à l’aval des systèmes agri-alimentaires.
Le VR2 est consacré à l’analyse de l’ancrage des flux agri-alimentaires (de la production à la consommation) dans les territoires des PAT/CPA choisis comme études de cas du projet. Il est décomposé en quatre tâches visant à mettre en œuvre différentes méthodes de proto-métabolisme et de métabolisme territorial (sur tout ou partie des études de cas) pour caractériser les flux agri-alimentaires des territoires en lien avec des échelles spatiales plus larges, à les quantifier par un ensemble d’indicateurs (en termes d’autonomie, de dépendance, de circularité), et à mettre en discussion les représentations graphiques ou cartographiques obtenues avec les acteurs des systèmes agri-alimentaires, dans la recherche d’une reterritorialisation (partielle, et en meilleure articulation avec les circuits longs) de ces flux, aux échelles locales, régionales et transfrontalières.
Enfin, le VR3 a pour objectif d’analyser, à l’échelle régionale et à l’échelle des études de cas, les modalités et échelles de la coopération territoriale pour accompagner les transitions agri-alimentaires, sous le prisme des complémentarités qui peuvent être construites entre stratégies agri-alimentaires, planification territoriale et coopération transfrontalière ou transnationale (avec pour certaines études de cas la prise en compte supplémentaire de la préservation des ressources en eau). Ce dernier volet de recherche est structuré en cinq tâches permettant d’analyser progressivement ces différentes complémentarités.
TRANSAAT ne prévoit pas de volet transversal en tant que tel, mais les trois volets de recherche sont construits en étroite interaction les uns avec les autres. Cette interaction est prévue à différents niveaux (articulation des échelles de territoire, des méthodes, des concepts, objets et disciplines).
Schéma organisationnel
Quelles contributions aux transitions dans les territoires ?
TRANSAAT est le fruit d’une co-construction avec des partenaires acteurs têtes de réseau, associatifs et professionnels, actifs dans les processus de transition vers une alimentation durable, doublée d’interactions avec les acteurs locaux impliqués dans les PAT/CPA étudiés. Il répond aux attentes exprimées (i) en matière d’analyse des PAT/CPA visant à documenter l’effet des dynamiques impulsées en termes de changements de pratiques agricoles et alimentaires effectifs, (ii) en matière d’accompagnement en lien avec des objectifs d’aménagement du territoire et de gestion intégrée des ressources naturelles et (iii) en matière d’innovations dans les champs d’action de la coopération internationale.
La dimension innovante de TRANSAAT réside, pour les terrains d’étude et leurs acteurs locaux partenaires, dans la recherche d’une plus grande transversalité des dispositifs d’action publique, ainsi que dans un changement d’échelle en matière d’impact. Avec des connaissances et représentations sur les combinaisons spatiales des formes de transition agri-alimentaires et des indicateurs relatifs aux flux concernés par les actions des PAT/CPA, il s’agira d’outiller l’intégration des circuits longs aux stratégies alimentaires, pour un travail plus significatif sur les interdépendances au cœur du nexus agriculture-alimentation-environnement. Par le prisme territorial, cela concernera directement un décloisonnement des services des collectivités territoriales et des différents schémas d’aménagement, par la convergence exemplaire des PAT avec les SAGE, SCoT, PLUi voire PCAET existants ou en construction. Cet élargissement des démarches alimentaires territorialisées aux opérateurs de filières rejoint le besoin d’innovations ouvertes et plus inclusives vis-à-vis des organisations citoyennes. Ces dernières déployant une accroche privilégiée des PAT à travers leur dimension environnementale, le double élargissement des arènes de gouvernance alimentaire se justifie pour les utilisateurs finaux par une gestion pleinement intégrée du nexus agriculture-alimentation-environnement.
Au niveau du Grand Est et de la Grande Région, les lectures croisées des résultats typologiques et métaboliques aideront à identifier, selon les filières, les échelles pertinentes pour réduire effectivement les circulations des produits agricoles et alimentaires et stimuler les reconnexions entre acteurs. Il s’agira aussi de relier l’enjeu de gestion du foncier urbanisé à celui de la territorialisation alimentaire. Dans cette optique et toujours à l’échelle des études de cas, un impact potentiel de TRANSAAT concernera la protection du foncier nourricier par des zonages, à travers l’outillage d’une meilleure convergence entre Schémas de Cohérence Territoriale et Projets Alimentaires Territoriaux (ou dispositifs équivalents, côté wallon et luxembourgeois).